Il y a quelques semaines mes coreligionnaires et moi-même nous étions un peu plantés sur le “WHY” d’un projet d'éventuelle association professionnelle.
J'en parle d'ailleurs abondamment ici (premier cri du coeur ayant initié ma démarche à titre personnel) et là, et ceux que cela intéresse pourront d'ailleurs nous dire si notre WHY fondateur est désormais solide (mais la présente page n'est pas le propos).
Nous étions en effet tombés dans les pièges suivants :
Nous avons confondu le “WHY” avec le “HOW” : pire même, une confusion plus subtile s’est installée avec des objectifs et des ambitions.
Car grammaticalement, nous avons bien explicité “pourquoi” il fallait aller dans cette direction : mais ce n’était pas le bon WHY.
Premier piège : se dire les uns les autres "pourquoi" on pense que c'est une bonne idée, et croire que le "WHY" a été évacué.
Nous avons amorcé de construire sans bien nous en apercevoir notre projet dans une excessive continuité avec des ambitions et objectifs business personnels.
Sous prétexte que chacun commence à répondre "parce que" : on pourrait croire que le problème a été correctement évoqué.
Première erreur contre-productive : confondre "WHY" et ambitions ou objectifs.
Le “pourquoi” est pourtant - en soi - l’aspect le plus profond et important de la question…
...en ce qu’il tient en respect le risque de l’empressement vers le “comment” - ce qui est une erreur que même les plus convaincus d’entre nous ont tendance à reproduire.
Et bien sûr : il parle avant-tout à notre système limbique, pas à notre logique.
Pour nous aider à rester vigilants, rappelons-nous l’excellent Simon Sinek :
« People don't buy what you do; they buy WHY you do it. And what you do simply proves what you believe. »

C’est très simple :
Le WHY touche à notre foi la plus intime, à notre système de valeurs.
Pour rester sur notre exemple, je ne crée pas une association “parce que” je voudrais clarifier l’offre de l’écosystème...
Ni “parce que” je voudrais développer mon “professional branding”…
Ni même “parce que” je voudrais développer mon business…
Pour ne citer que ces exemples !
Comment vous dire : ce ne sont que des évidences ; oui bien sûr, je vous l’accorde, je participe bel et bien à l’aventure de création de l’association pour ces raisons et tant d’autres encore.
Mais ce n’est pas ce qui définit le WHY.
Le WHY parle à mon système limbique, mon cerveau reptilien.
Il parle à cette petite partie enfouie au fin fond de mon subconscient, que j’exprime parfois dans des éclairs fulgurants d’éloquence et de lucidité.
Cette part ineffable de ma conscience et même, de mon système valeurs, reste généralement à l’état d’énergie brute concentrée, sous-jacente à tous les combats dans lesquels je suis prêt à m’investir pour défendre une vision.
L'exemple de Steve Jobs et de l'arrivée de l'iPod :
Rappelez-vous : quand Steve Jobs a créé l’iPod, DELL vendait déjà des lecteurs MP3. Ainsi que des dizaines d’autres fabricants.
Vous pensez vraiment que nous avons acheté l’iPod “parce qu’il” lisait des MP3 ?
Franchement ?
Si tel avait été le cas, le lecteur MP3 de DELL m’aurait suffi : moins cher et même plus petit.
Le WHY adresse un fantasme difficile à formuler
Le WHY véhiculé par le produit mis sur le marché par Steve Jobs, c’est un fantasme ambitieusement partagé avec ceux qui étaient prédisposés à le suivre sur cette voie (j’en faisais partie).
Pour exprimer ce fantasme intime, la psychanalyse aurait son mot à dire : j'y vois moi-même un élan auto-érotique où l'estime de soi joue énormément - mais cela fera l'objet d'un autre approfondissement (j'y travaille vraiment).
Il détient de surcroît la clé d'une certaine intégrité
Et cette intégrité, c'est justement ce qui engage et passionne autrui.
Le WHY a transcendé les raisons prosaïques de l’adhésion au produit parce que ce fantasme était au-dessus de tous soupçons : aussi lucratif qu’ait pu être l’entreprise de sa commercialisation, son projet était sous-tendu par une foi mobilisatrice pour quiconque était (certes) prédisposé à la partager : ils furent d’ailleurs nombreux, et le sont encore tant la vision survit à son créateur.
Inutile de poursuivre en vous rappelant de même que nous n’achetons pas un iPhone… “pour” passer des coups de fil ou naviguer sur le Web et ses apps.
Gagner de l’argent en préemptant le marché mondial fut une conséquence logique, un aboutissement heureux : ce n’est pourtant pas en soi, le “WHY” au sens du génial Simon SINEK - la puissance et la profondeur du WHY rend possible, précisément, ce succès parce qu’il aura une puissante force structurante sur l’exécution (WHAT+HOW…).
Au coeur WHY existe justement un élan : une "putain de bonne question"
Nous avons réussi - dans l'exemple de ce collectif associatif que je prends en exemple pour les besoins de cet article - à avancer dans une ambition partagée avec mes camarades parce que nous avons commencé à nous poser des questions stimulantes - ces questions, ou plutôt ces questionnements au sens le plus vague du terme, car il n'y avait pas forcément de questions toujours très clairement formulées, mais une autoroute intellectuelle s'ouvrant devant nous parce que nous étions intrigués, mobilisés par un vide à combler.
En ce sens nous rejoingnons le personnage campé par Dépardieu dans Rive Droite; Rive Gauche : la question qu'on lui a posé n'était pas juste une "bonne question" à laquelle son personnage d'avocat brillant ce serait fait un plaisir d'opposer sa répartie. Ce que le prosaïque "putain" ajoute, dans la "putain de bonne de bonne question" : c'est toute sa perplexité face à une question dont la portée morale l'a ébranlé, au point de changer son destin.
Ce n'est pas juste un gros mot : c'est un électrochoc qui implose dans son système limbique - une vérité révélée, une fulgurance dont "putain" traduit le caractère ineffable.
Mes amis anglo-saxons remplacent d'ailleurs souvent le "putain" proféré par Depardieu, par leur sacro-saint : "WOW". D'où le "wow" effect quand le WHY est béton.
L'année dernière, dans un séminaire centré sur cette même maïeutique de l'insight, une amie pourtant fort bien éduquée s'est fendu d'un tonitruant "Putain Oui c'est vrai !" au moment où le groupe a émis l'aboutissement d'un raisonnement collectif sous la forme d'une excellente idée.
C'est plutôt sain : et très, très bon signe.
Dans l'exemple que j'exploite, nous avons tous commencer par pousser, entre nous et dans nos blogs, un cri d’alerte caractérisé par la sincérité et l’énergie que nous y avons investie : en synthétisant à l’extrême, et sans rentrer dans les détails de nos échanges, notre conviction intime et mobilisatrice fut principalement liée au fait qu'il nous est apparu aberrant, insupportable même, qu’en France et de façon générale dans les pays latins de tradition catholique Européens la Vente soit presque un mot “sale”.
Ce fut là notre "putain de bonne question" : pourquoi les choses devraient-elles rester ainsi ?
Et l'émergence de notre WHY.
Nous n'étions - et ne sommes toujours pas - mobilisés par autre chose qu'une sincère indignation mêlée d'un besoin de changer les choses. Que le sous-jacent et les objectifs business secondaires existent c'est un fait incontestable : mais l'élan initial est parfaitement intègre, honnête intellectuellement, et paradoxalement imprégné d'une émotion énergisante si je puis dire.
Si je prends cet exemple c'est que ce qui fonctionne pour l'élaboration d'un projet associatif est tout aussi valable pour une entreprise - et parce que nous avons experimenté là une répétition générale d'un proçesssu de cocréation qu'il nous sera possible de reproduire dans d'autres contextes : l'expression du WHY à l'échelle d'un collectif est plus susceptible d'aboutir quand des conditions de conditions de confiance et de fluidité dans la communication sont réunies.
Sans WHY, pas de projet durable.
Je ne pense donc pas que nous ayons la moindre chance de réussir un projet quel qu’il soit, même associatif, si une foi profonde, sorte de mélange entre désir de dépassement et aspiration intellectuelle, ne conduit pas à énoncer un subtil besoin de transcendance (“out think”, en anglais).
Ce besoin est d'autant plus puissant qu'il n'est pétri d'aucune certitude ; mais plutôt imprégnée de visions qui refusent d'affirmer, des visions qui se transforment en bonnes questions.
Les "questions" nous incitent à rester dans un système ouvert : et c'est déjà bien.
Une bonne question ouvre un champ de possible.
C'est le moteur de la curiosité intellectuelle, de l'écoute à plusieurs nécessaire pour travailler de concert notamment.
Mais alors : une "putain de bonne question" peut susciter le prochain projet sur lequel vous travaillerez 10 ans et qui va façonner votre vie.
Idéalement en collectif d'ailleurs : le point de départ idéal pour dérouler un WHY.
Imaginez que tous nos brainstorms soient précédés d'affirmation péremptoires : nous ne garderions pas l'esprit ouvert pour combiner nos trajectoires et nos ressentis.
Une putain de bonne question nous permet d'accepter de garder le sujet vivant, ouvert, stimulant et inspirant.
Jusque dans l'exécution, même - car les collaborateurs, les partenaires et même les clients par la suite, poseront eux-mêmes des questions et qu'il ne faudra pas leur imposer de carcan si nous souhaitons conserver une certaine dynamique collaborative : c'est ainsi que le WHY ne cessera plus d'évoluer. C'est un système ouvert et organique qu'il ne faut surtout pas figer sous prétexte qu'il est bon au premier jour : c'est plutôt un état d'esprit à conserver (et ce n'est certes pas chose aisée).
L’expression de ce “WHY” ne doit pas être confondue avec un “Mission Statement” :
C’est encore un élan séminal et presque intime qui est exposé là.
C’est le cheminement intellectuel consistant à essayer de formuler l’indicible qui a une chance de déboucher vers un projet - et j’espère qu’il sera collectivement puissant au point de faire date.
En attendant, je dirais que c’est au travail de formalisation intellectuelle d’un business ce que la poésie est à la prose.
À chacun en son âme et conscience d’effleurer la bonne manière d’exprimer ce ressenti aussi instable qu’un mélange gazeux - et dont il va falloir apprendre à conserver l'extrême précarité.
Ne cherchez pas à la mettre en boîte.
Pas vraiment d'idée là tout de suite, pour savoir comment réagir ?
En voici quelques-unes ici, parce que réactions et commentaires constituent la vraie richesse de cette plateforme.
Et sinon, il y a aussi notre petit outil de sondage maison :