Les deux notions non seulement se rejoignent mais se confondent dans la pratique : il nous faut des commerciaux engagés, et pour les engager, il faut les outiller, les outils contribuent à créer de l’engagement (surtout s’ils sont bien conçus, soulagent des attentes douloureuses et facilitent la tâche du Vendeur).
Who’s first?
Mais “l’autonomisation” des vendeurs (traduction hypothétique du terme “Enablement”) n’a aucun sens si les salariés sont démobilisés.
Soyons honnêtes : il y a là un peu du dilemme de la poule et l’œuf.
Mais l’intérêt d’en parler est le suivant : se poser les bonnes questions, et dans le bon ordre.
Retours aux sources de l’engagement
L’engagement est souvent décrit à tort comme le résultat d’un discours monté en épingle par le management et orchestré par la comm interne, imprégné au moyen d’un gavage approximatif dans les esprits au moyen de séminaires énergétiques où l’on sur-émotionnalise (oui j’invente des mots) un grand moment fusionnel centré sur les ambitions de l’entreprise.
Ça, c’est la version court-termiste du discours sur l’engagement.
Je vous assure que je peux avec un projet complètement bancal monter une journée hautement inspirationnelle et à force d’arguments séduisants et de communion entre gens perdus (lost in their jobs, comme 98% de la population) - dans les limbes aspirationnelles de leurs carrières emplies de vertiges existentiaux, leur donner espoir et les voir repartir surexcités par mon projet bancal.
Mais sous 3 mois mon projet bancal ne les fera pas moins fuir vers la concurrence ou se mettre en dépression et arrêt de travail.
Il faut arrêter de fabriquer artificiellement de l’engagement avec des effets de manche.
Ne parlons alors plus du pouvoir magique des plateformes de Sales Engagement…; Vous voyez où je veux en venir ?
Les discours solutionnistes et hygiénistes sur l’engagement sont forcément pipeau, pourquoi ? - Parce que l’engagement est gravé au cœur de votre ADN.
L’engagement est gravé dans le climat éthique de votre organisation.
L’engagement n’est d’ailleurs ni blanc, ni noir, ni même en soi le fruit de plusieurs nuances de gris : il change de nature d’une entreprise à l’autre, et la nature de l’adhésion est liée à la typologie des climats éthiques en vigueur.
Il existe même une typologie éclairante, naguère formalisée par Victor et Cullen, qui ont étudié diverses entreprises et ont identifié différentes caractéristiques associées :
TYPOLOGIE DES CLIMATS ÉTHIQUES
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CARACTÉRISTIQUES DES ENTREPRISES
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LE RESPECT (CARE)
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Les salariés sont sincèrement intéressés par le bien-être de chacun
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LES RÈGLES (RULES)
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On s’attend à ce que chacune adhère strictement aux règles
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LES LOIS ET LES CODES (LAW AND CODE)
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Les salariés suivent les lois et les codes professionnels de l’entreprise
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L'INDÉPENDANCE
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Chacun doit être guidé par ses principes moraux
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INSTRUMENTAL
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Les membres de l’entreprise recherchent avant tout leur intérêt au détriment de celui des autres individus
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Cette grille n’a rien d’ayatollesque, elle est évolutive et vous pourriez trouver mille nuances liées aux organisations que vous connaissez bien.
Simplement, elle fait réfléchir : et c’est déjà beaucoup. Pas vrai ?
Moralité : la nature de l’engagement étant liée au climat éthique, attendez-vous à ce que le climat éthique de votre organisation détermine la façon dont les plateformes de Sales Enablement (menant au Social Selling, au Social CRM, au Sales Tech etc.) seront exploitées PAR vos collaborateurs. Leurs comportements et usages ne seront immanquablement que le fruit d’un cheminement interne qui prend sa source dans l’ADN éthique de votre organisation. Les plateformes ne seront jamais en soi, des garde-fous.
La réponse ?
Alors à la question posée par le titre de mon article la réponse c’est… Ni l’un ni l’autre car tout dépend de l’âge du capitaine et du climat éthique qu’il a su créer dans son entreprise.
À trop s’aveugler dans la mouvance solutionniste de la Transformation Numérique, on adresse en effet les bons problèmes (c’est vrai, je le dis sans ironie) : mais on oublie d’investir de l’énergie au bon endroit, notamment en créant les conditions dans lesquelles les problèmes soient durablement résolus - accessoirement avec les plateformes pour relais et traduction en process fluides.
Entendez-moi bien : dans un environnement éthiquement fiable, ces plateformes deviennent la portion congrue de la superfluité. Elles ne sont que la mise en forme du fond avant qu’il ne remonte à la surface.
Ces plateformes n’ont malheureusement souvent, d’intérêt pour ceux qui croient bon de les acheter, que celui de maquiller le désengagement, de mettre un peu d’hygiène dans les process.
Or elles vont aider à la révéler vers l’externe.
Les plateformes sont un support de porosité de l’interne vers l’externe
Elles devaient servir à mieux vendre - pensez-vous : elles jouent alors le rôle d’exposition au grand jour des déficits d’engagement de vos commerciaux.
Je cite une membre de mon association pour la transformation de la Vente (EFFORST) qui réagit à nos pistes de travaux sur des chartes éthiques auxquelles pourraient se référer des commerciaux consciencieux :
“Pour faire face aux enjeux de productivité, le vendeur est parfois contraint de faire de la vente « forcée » pas forcément en lien ou en rapport avec les besoins du client. Une charte du vendeur éthique permettrait de donner au vendeur une certaine ligne de conduite, de même pour les entreprises y adhérant.
Quant au client, dans un environnement considérable d’offres concurrentes, cela lui permettrait d’être rassuré et d’avoir la garantie d’un service de qualité.”
Je cite cette personne car j’ai trouvé hautement édifiant qu’elle ne se soucie que d’une chose : comment gagner légitimement la confiance du client et lui faire savoir qu’elle défend, non sans conviction, une charte éthique.
Et qu’elle déplore au passage ce qu’il faut bien appeler un mode de management, en filigrane dans son témoignage (menant à la “vente forcée”).
Vous auriez envie de vous faire opérer d’un rein par un chirurgien qui n’aurait pas adhéré au serment d’Hippocrate ?
Ce n’est pas certes pas une preuve de son intégrité : mais c’est bon signe, quand même, qu’il existe une déontologie fondatrice de référence pour tous les membres du monde de la santé.
Pas vrai ?
Alors voici ma conclusion à tout ceci :
-
N’engagez vos commerciaux, quelles que soient les plateformes en support (et j’aurais aussi bien pu parler des méthodes de management mais je me suis placé dans un contexte de transition numérique forcenée, qui nous concerne tous), QUE si vous avez d’abord procédé à un audit de leurs niveaux d’engagement et analysé finement la nature de votre climat éthique organisationnel,
-
Évitez comme la peste de vous précipiter dans l’ “Enablement” : n’y allez QUE si vous leur donnez des outils en cohérence avec le climat éthique de votre organisation : car “autonomiser” les vendeurs, c’est, de façon irrémissible, mettre en place un mécanisme de porosité de l’interne vers l’externe : si l’entreprise n’a pas fait son point RH, audité leurs niveaux d’adhésion au management notamment (pertinence des objectifs, mode de gestion de la performance individuelle et collective, perception du niveau de bien-être au travail…) alors elle se contentera de propager de l’interne vers l’externe le malaise interne.
Bonus track
En bonus track, je vous citerai un grand acheteur qui est venu commenter une vidéo dans laquelle j’interviewais récemment la personne en charge de l’évangélisation au Social Selling dans une très grande entreprise que je nommerai ici XXXXX : elle a contracté 15.000 licences “Sales Navigator” pour ses commerciaux, excusez du peu.
Toute fière de nous présenter sa stratégie de Sales enablement, elle pérore naïvement aussi sur l’engagement qui en résulte. Ces commerciaux étant probablement sous pression du management, ils sont nombreux à faire une exploitation sans âme de l’outil : en somme, ils spamment.
Je tiens à ajouter qu’ayant fait par la suite la connaissance de cet acheteur, j’ai appris que son point de vue représentait une certaine vérité statistique, car étant administrateur lui-même d’une grande association d’acheteurs de premier plan, il a déjà partagé de ce point avec d’autres acheteurs, et c’est selon lui un sujet récurrent.
Il est donc venu sans ambage commenter la page de mon interview comme ceci - je vous laisse mesurer son exaspération :
“La vacuité des propos de cette jolie femme est atterrante. L'on y apprend toutefois que parler du Social Selling sans connaître le Selling tout court donne un résultat surprenant.
Le Social Selling permettrait de se relier au prospect en amont de projet... No Comment.
Et que dire du SEO de XXXXX polluant Linkedin par une répétition massive de messages !
Donc d'après l'experte de XXXXX, le Social Selling, c'est rechercher des contacts sur Linkedin, interagir sur leur post, tenter d'entrer en contact...
Et quand on passe au KPI's interdit de rire.
Changer l'expérience employé pour changer l'expérience :
Et si le Social Selling nécessitait une transformation d'abord du type de management de la société, et donc de ses comportements, de ses outils de mesure et donc de l'attention client... A la 20', le chapitre sur ce que l'on a droit de dire ou non est à ce titre la marque du fait que l'éditeur n'est pas... "digital". “
Voilà. CQFD.
Vous voulez toujours vous lancer dans le Sales Enablement, le Social Selling, le Sales Engagement sans poser quelques questions à votre service RH d’abord et essayer de mesurer où vous en êtes, côté management ?
Je vous laisse méditer ?
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